La Guerre et le Vatican by Ickx Johan

Auteur:Ickx, Johan [Ickx, Johan]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Cerf (Les Éditions du)
Publié: 2018-12-15T00:00:00+00:00

Conclusion

* * *

La plume est plus forte que l’épée, même cent ans après les faits. Le rapport secret de Mgr Ladeuze montre d’une part comment une vérité peut être tue avec obstination, et d’autre part comment les Belges sont parvenus à saper et même à réfuter la propagande des Allemands. Le document a, sur le moment, manqué son objectif, mais il est réapparu sur le devant de la scène un siècle plus tard, et il a permis de dénouer une des intrigues diplomatiques les plus complexes de l’histoire du Vatican.

La pression sur le Saint-Siège, orchestrée au départ de Rome par Mgr Deploige – qualifié par la suite par la presse comme l’alter ego du cardinal Mercier1 – faisait partie d’un plan général de résistance. Son but était de miner l’autorité allemande dans la Belgique occupée. Ce plan a été coordonné et mené à exécution par des anciens étudiants, des professeurs et des professeurs émérites de l’Université catholique de Louvain. Mgr Deploige a su déployer pour cela un réseau international, qui s’est cristallisé dans un « cercle » composé initialement de quatre personnes, et à partir de mars 1915 de cinq catholiques exceptionnellement courageux de Belgique, d’Angleterre, de France, de Roumanie et du Japon. Mgr Deploige et son bras droit Hervé de Gruben avaient choisi comme quartier général Saint-Julien-des-Flamands à Rome, où le cercle secret avait l’habitude de se réunir. Le cercle des cinq a travaillé sous la haute protection du cardinal Adrien Gasquet O.S.B., qui a organisé chez lui les prises de contact et les rencontres. Leurs actions se sont principalement concentrées sur deux éléments : d’une part la lettre pastorale du cardinal Mercier et le bazar autour de son emprisonnement présumé, et d’autre part la vérité au sujet de l’incendie de Louvain, les mensonges sur les supposés francs-tireurs et la réparation des dégâts causés par les Allemands. D’une étude approfondie, il reste des rapports de témoins oculaires, Belges, Polonais, Américains ou Hollandais. Tous racontent la même histoire : les Allemands ont mené avec préméditation des escarmouches qui devaient dégénérer.

Le jeune Hervé de Gruben écrit en 1915, avec Mgr Deploige, à Rome le petit livre Les Allemands à Louvain, souvenirs d’un témoin, dans lequel il dit qu’il est encore trop tôt pour exprimer un jugement sur ce qui s’est passé le soir du 25 août et les jours suivants à Louvain2. Cent ans plus tard, les sources historiques utilisées dans notre livre montrent qu’un diplomate du Vatican, Eugenio Pacelli, était enclin à souscrire à la version louvaniste des faits, y compris un an après, lorsque le rapport secret de Mgr Ladeuze arriva finalement sur son bureau au Vatican et que le double jeu d’un diplomate en service pour le pape ait été révélé. Au regard des conséquences désastreuses que cette omission administrative a eues sur la carrière de Giovanni Tacci et Emanuele de Sarzana, les diplomates ecclésiastiques en service à Bruxelles dans les années 1914-1915, cela signifie aussi que Rome ne pouvait pas savoir, pendant une longue période, comment les faits s’étaient réellement déroulés à Louvain.

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